En fait, pendant longtemps je ne connaissais "Alice" qu'au travers du dessin animé de Disney.
Mais quand je l'ai regardée plus sérieusement, il était étonnant de voir que l'œuvre d'origine dégage une atmosphère complètement différente.
Alice était beaucoup plus jeune, six ans peut-être ? Une petite fille avec un bandeau noir et court, et le charme d'un enfant.
J'aime bien aussi le nom de l'auteur, Lewis Carroll. Je n'aime pas tant l'histoire en soi et les personnages. Mais au contraire plutôt l'atmosphère ! Elle est à la fois cruelle et raffinée, comme les comptines de "Mother Goose". Une chose que j'aime beaucoup.
Exactement ! Une reine qui crie "coupez-lui la tête !", c'est très brutal ! Et aussi Alice elle-même dit des choses très crues. Cette cruauté proprement enfantine. D'abord elle considère quelqu'un comme un ami, mais dès qu'elle s'en lasse, elle se met à hurler : "Quelle chose stupide ! Cela vit dans une misérable maison - je ne voudrais jamais devenir comme ça !" Ce sentiment, si on l'entend, est quelque chose de si simple. On soupire : "Les petites filles, ah vraiment...!" J'aime bien tout cela.
Et tous ces jeux de mots ornés ou les lettres qui ressemblent à des queues de souris, toutes ces choses gaies. C'est ce qui m'a fascinée.
Oui, une copie du livre qu'il donna à la véritable Alice. L'avez-vous déjà vu ? (le livre de la photo du bas est la copie du manuscrit d'"Alice au pays des merveilles").
J'ai utilisé ce livre comme référence lorsque j'ai dessiné le calendrier d'Alice pour mon travail final. Les images y donnent des frissons ! Par exemple, dans la scène où Alice devient un géant, non seulement tout son corps grandit, mais son cou s'étire en hauteur comme un champignon, et devient de plus en plus long. Cette scène m'a toujours semblée étrange dans le Disney. Le corps devient simplement plus grand et les oiseaux crient : "Un serpent, un serpent !" Ça je ne l'ai jamais compris. Mais à travers cette image, j'ai pu comprendre.
Le dodo aussi m'a fascinée. Le vrai nom de Lewis Carroll était Dodgson. Il a modifié "Dodgson" et ainsi est apparu le dodo. Naturellement j'aime bien les dodos; leur aspect et le fait qu'ils aient disparu les entoure d'une aura d'une beauté triste.
"Alice au pays des merveilles" est aussi une histoire anglaise et tourne continuellement autour du repas. De même dans "Mother Goose". A l'heure du thé (tea party), ou quand quelque chose sort du gâteau. L'histoire fait frissonner, mais elle possède aussi ce raffinement étrange. Je ne suis vraiment pas une grande experte en ce qui concerne le système de classes anglais ou les coutumes. C'est mon complexe mais aussi ma force, parce que je ne me laisse pas enfermer par ces connaissances.
Je pense que cela diminue le côté divertissant. Bien que je travaille d'après un ouvrage anglais pour les bases, je me rapproche par exemple de comptines comme celles de "Mother Goose" par la petite porte. Je réfléchis comment rendre les choses encore plus angoissantes. C'est aussi beaucoup plus amusant.
Des histoires ou des idées parfaitement originales, il n'y en a pas. Quel auteur également -il n'y en a aucun- n'a pas été influencé par quelqu'un. Je ne pense pas non plus que quelque chose se forme de moi. Je traite toujours des impulsions de l'extérieur.
J'ai peur des fantômes. J'en ai tellement peur que je ne peux même pas réfléchir à s'il y en a vraiment. C'est pourquoi j'aime le monde de l'imagination, car les choses qu'on imagine n'existent pas vraiment. Par exemple, il y a un film que j'aime beaucoup, c'est "Paperhouse". Une petite fille peint une image de sa maison sur une grande feuille de papier et quand elle dort, sa maison devient réelle dans son rêve. Une histoire très angoissante en film. Son père ne vient pas à la maison et elle souhaite qu'il revienne. Alors elle peint une image de celui-ci à côté de la maison. Mais comme elle n'arrive pas à refaire correctement son visage, elle gomme ses yeux. Et là, dans le rêve, il revient et ses yeux sont bien sûr comme sur le dessin. Il est terriblement furieux et lui crie après : "Pourquoi m'as-tu peint un tel visage !?" Alors, n'est-ce pas effrayant ?
Ensuite il y a encore "Dreamchild" et le film de marionnettes Alice, qui sont aussi quelque part sinistres et je les aimes beaucoup. Quand j'aime un film, j'aimerais toujours faire partie de son monde.
De même j'aime les maisons de poupée. J'ai des livres à ce sujet, et quand il y a une exposition, je dois tout simplement y aller immédiatement.
Oui probablement, je dessine toujours des choses que j'aime et crains à la fois. Oui vraiment, devant Pierrot j'ai aussi une peur bleue !
Avant j'avais un Pierrot comme poupée. J'en ai eu tellement peur qu'un jour je l'ai jeté par la fenêtre. Mais quand j'y repense maintenant, c'est encore plus angoissant (rires).
Dans le film "Poltergeist" il y a une scène où un Pierrot attaque les comédiens. A mon avis, là, quelqu'un a vraiment imaginé la plus horrible des choses ! J'en ferais volontiers autant. En fait j'ai toujours voulu devenir réalisatrice si je n'avais pas pu devenir mangaka.
Oh oui, c'est une représentation terrible. On suppose que nous sommes toujours nés au milieu de l'existence de la Terre. Cependant, les étoiles aussi ont une durée de vie limitée. Si on regarde les choses sous cet angle, un jour il n'y aura plus rien.
Rien du tout.
Mais s'il n'y a plus la Terre, nous disparaissons aussi. J'ai peur de disparaître. Et alors on se met à réfléchir, d'où vient notre âme et où elle va. Je pense que si nous les humains n'avions qu'un corps et pas d'âme, nous ne serions pas vraiment vivants.
Mais il existe une technique par laquelle on plonge dans un sommeil plus froid, pour survivre jusqu'à une époque prochaine.
Mais ça je ne le pourrais pas. Mon âme serait alors séparée de mon corps. Mon cerveau régirait certes mon corps, mais seulement, réveiller un corps revenu à la vie... ça n'est pas la vie. On n'a plus d'âme. J'y ai réfléchi et ai alors dessiné Neji.
Ah mais nous autres mangakas sommes tous de vieux satyres ! (rires) Non honnêtement, n'est-ce pas le cas ?
Mais dessiner ceci, c'est très désagréable ! (rires)
C'est exprimé d'une façon assez forte, mais je vois ce que vous voulez dire. Beaucoup de mes lecteurs semblent lire Comte Cain parce qu'ils voient entre Cain et Riff une relation amoureuse. Je ne pense pas que c'en soit une. Mais j'attise déjà fortement le feu (rires). Voilà comment sont les auteurs maintenant. Nous préférons rester dans la mémoire du lecteur avec une folie exorbitante, que pas du tout.
Mon personnage principal est toujours celui dans lequel je me projette. Si je ne pouvais pas me mettre à la place de Cain, je ne pourrais pas non plus le dessiner. Donc, je le dessine tel que j'aimerais être moi-même. Riff est de nouveau ma mère ! Bref, ils sont comme la couveuse et le poussin. Ils sont une manifestation de mes désirs, de l'instinct de protection et du besoin de se laisser complètement aller.
Oh oui, mes personnages sont déjà très accrocs ! (rires) Cependant s'ils n'étaient pas si accrocs, ils ne pourraient pas porter de telles histoires violentes. Poignarder quelqu'un, ou le protéger par tous les moyens... Là on doit tirer dans tous les registres si l'on doit tisser un drame en 30 pages. D'un autre côté on ne peut pas mettre des personnages normaux. S'ils n'ont pas quelque chose en quoi ils croient de tout leur cœur... Si une personne ne vit simplement que pour elle-même, c'est une existence vide. C'est pourquoi chacun se crée quelque chose pour lui-même dans lequel il peut mettre son coeur. Dans mon cas ce sont les mangas, même si je m'y suis empêtrée un peu trop profondément.
Tout commence quand j'ai envie de dessiner une histoire particulière. Et ensuite, j'imagine les personnages.
Alors je me demande "mais pourquoi il devrait faire une telle chose ? Parce qu'il a fait ci et ça et c'est suite à cela qu'il est devenu comme ceci et comme cela." Ainsi les personnages reçoivent lentement de la profondeur et alors enfin j'en arrive au sujet. Le message, je l'ajoute en toute conclusion.
Oui, ça arrive.
Il y a quelque chose que je voulais faire dans mes débuts de dessinatrice. Mais maintenant, je ne le pourrais plus. Pour moi c'est l'œuvre dans laquelle se trouvent mes racines.
Oui, exactement. J'aimais bien regarder des films américains. Particulièrement des films de jeunes.
Le manga que je voulais alors dessiner parlait de trois garçons américains qui cherchent chacun le grand amour. Comme dans "The Outsiders". C'était une histoire, traçant l'entrée dans l'âge adulte, que j'ai toujours voulu dessiner, jusqu'à la mort tellement j'étais excitée. Aujourd'hui quand je repense à tout cela, je ne sais plus du tout pourquoi.
Oui certes, mais maintenant, pendant aussi longtemps je ne le voudrais plus.
Il en va ainsi pour toutes mes œuvres. Le sujet vient toujours en dernier. Mais si vous voulez me demander quel est le thème d'Angel Sanctuary, ça je ne le saurais pas non plus (rires).
Si cependant vous me demandiez ce que j'ai voulu y dessiner... Un monde systématisé avec à l'intérieur les anges, comment leur amour et leur haine se heurtent l'un à l'autre et transforment le monde en un enfer cruel et souillé de sang.
Oui, on pourrait le qualifier ainsi. Quand j'ai appris qu'il y avait tous ces rangs dans le monde des anges, je me suis dit : "mais c'est captivant !"
Exactement. Il y en avait déjà une sur laquelle toute l'histoire se base. C'est un manga appelé "1/2 Moon". L'histoire tourne autour de la reine des démons et de son prince, qui vient sur Terre pour expulser un démon qui a possédé une jeune star de la pop. Depuis le temps que je voulais dessiner des anges qui volent au-dessus de Tokyo.
Oui, il arriva seulement plus tard. J'étais tellement heureuse quand on m'a permis de dessiner Angel Sanctuary. Je n'avais qu'un mois de pause avant de le commencer. Mais durant ce mois j'ai dû dessiner des images couleur et diverses autres choses. Il me restait à peine le temps d'élaborer le concept. Mais malgré tout ça je gardais mon enthousiasme.
Quand j'y réfléchis, la série Comte Cain était toujours un peu rigide. Il y avait trop de contraintes. Les scènes étaient le monde des personnages. Avec Angel Sanctuary au contraire, j'ai une totale liberté. C'est ce que j'aime dans l'imagination. Avec la magie, tout est possible.
J'aime les films qui effraient bien et qui dérangent.
Mes manga doivent aussi être comme ça. Je veux qu'ils soient aussi divertissants que possible. Je dessine pour surprendre mes lecteurs et les faire tomber à la renverse.
Mais nous nous amusons quand nous ressentons des frissons, non ? Je ne dessine pas non plus de manga à se dresser les cheveux sur la tête. Ce genre d'histoires à ne plus dormir la nuit... je n'ai pas le cœur à dessiner ça.
J'ai approfondi ce sentiment quand j'ai dessiné Les Contes Cruels (Zankokuna dôwa-tachi). Je voulais des angoissantes et cruelles histoires mais qui avaient l'atmosphère d'une histoire pour passer une bonne nuit.
J'ai trouvé une impulsion pour ça lorsque j'ai entendu la légende transylvanienne de la forêt de pieux. Et j'ai pensé : "C'est passionnant, c'est ce que tu voudrais dessiner". Dans cette histoire, un jour les gens du village passent dans la forêt quand ils s'étonnent que la forêt pue, et regardent en haut. Et vlan ! ce qu'ils prenaient pour une forêt était en réalité des gens embrochés. J'ai pris cette idée comme point d'attache pour Les Contes Cruels.
Mais une histoire qui ne porte que sur une atmosphère n'est pas non plus intéressante. On doit se laisser assez de marge de manœuvre. C'est valable aussi pour les costumes.
Pour les robes des personnages féminins dans Comte Cain je ne me suis pas occupée de la justesse historique. Elles devaient juste être belles. J'aime m'écouter, comme les victimes de la mode, si on ne pense pas comme ça une grande partie des lecteurs n'auront pas l'impression de se divertir. Le manga serait plat et sans aucun sens du divertissement.
Probablement parce que j'ai vraiment désiré dessiner le sable. Le sable est quelque chose de vraiment beau. Ce sentiment de désespoir quand il coule entre les doigts... En outre, ça me fait plaisir de dessiner le désert.
Un monde de la chute, qui devient sable et s'éteind...
Vous l'avez dit. On se représente les grattes-ciel de Tokyo s'ensabler. Si on voit ça en film, c'est génial ! Cette tristesse, ces choses érodées...
Mais Gravel Kingdom, c'est mon vrai Moi. Maintenant je dessine plein de choses différentes, mais finalement mon chemin sera toujours celui-là. L'imagination, comme dans Angel Sanctuary ou Gravel Kingdom.
Probablement parce que ces derniers temps les parties sombres ont augmenté. J'évalue le contraste. Si je dessine un personnage sombre, je lui met un fond blanc.
J'admire les images en noir et blanc. Mais elle demandent du temps !
Il y a aussi des mangakas qui sortent 10 pages seulement tous les 2 mois. Ce sont des personnes qui s'investissent énormément dans les images. Mais nous travaillons dans un tout autre genre, on ne peut pas comparer. Mais parce que j'admire tant ces images j'ai commencé à utiliser beaucoup de trames.
Je me trouve justement dans un grand changement. Le style de mes dessins a changé. Maintenant, il est important pour moi de dessiner des images plus humaines. Je dois trouver les lignes qui rendent les visages plus humains.
Il y a des gens qui dessinent toujours beaucoup de chair, comme dans les anime, mais s'il n'y a aucune compréhension des visages humains, moi je ne peux rien commencer. Tout dépend plus pour moi de la sensualité.
Exactement. C'est en effet beaucoup plus attirant émotivement je pense.
Si nous sommes vus comme représentatifs de l'érotisme, je dessine très peu de corps nus.
Je transmets la sexualité plutôt dans la manière dont les vêtements tombent. Ou quand quelqu'un coiffe les cheveux d'un autre par un enlacement de ses doigts. On ne peut pas le voir, mais ce sont des scènes lors desquelles on pourrait se demander : "Hé, où traînent donc encore ses mains ?" C'est un service à l'esprit, autrement dit un divertissement.
Dans l'histoire que je dessine justement, il y a une scène dans laquelle Kouraï-chan essaie de séduire quelqu'un. Mais si on ne lit que le dialogue, on ne le remarque pas. Pendant que je la dessinais je pensais : "Ce n'est pas assez sexy !" J'ai gommé les dessins et ai rendu la scène encore un peu plus provoquante. Il y a à chaque fois deux ou trois passages où j'améliore de telles choses.
Le sex appeal masculin !? (rires) D'abord je dessine les yeux. Les hommes qui ressemblent à des femmes, ça ne va pas. Il est important qu'ils aient l'air masculin. Energie, stature... Ensuite viennent les mains. Quand les hommes ont de longs doigts, c'est super ! Par ailleurs, et c'est valable autant pour les femmes que pour les hommes, je m'applique beaucoup pour dessiner les cheveux.
Mais je suis toujours leur coiffeuse ! (rires) S'ils ont des cheveux doux ou plutôt cassants... mais pour l'effet final on ne regarde pas particulièrement les images... Dans cette partie j'ai donné à Astaroth des cheveux hirsutes, comme s'il les avait décolorés. Je voulais qu'ils paraissent cassés.
J'aime les cheveux rêches ! Beaucoup de groupes que j'aime les ont comme ça. (rires)
Et des sels de bain ! (rires)
C'était aussi pour les fans. Au début il s'agissait de mettre une scène tout à fait normale dans la salle de conférence. Mais alors je me suis dit : "Non ça ne va pas ! Ce sera une scène de bain ! Avec des roses !" (rires)
Dans le même genre, ça se passe dans la scène où Katan revient à son état originel, lorsque la première fois qu'il revit Rochel celui-ci lui demanda sans interruption : "Suis-je beau ?" C'est une scène de mensonge provocante mais au début elle n'en avait pas l'air.
Mais il faut tout rendre encore plus dramatique et faire monter le sang à la tête du lecteur ! Je me martyrise la tête et vient alors la lumière : "Voilà ! C'est un petit pervers !" (rires) Il demande continuellement aux gens s'il est beau, donc il le fera ici aussi !
De prime abord, aucune joie de le revoir [Katan] ne se manifeste sur son visage. Il la nie ! Et ensuite ses sentiments le dépassent...! (rires)
Je suis contente que ça me soit venu à l'esprit ! C'était ça ou rien !
Mais alors que ça convenait, dessiner l'idée était déjà un peu plus pénible. J'ai appelé une de mes assistantes et elle demande en tant que conseillère : "Qu'est-ce qu'il y a ? -J'ai honte de dessiner ça." Et quand elle a dit : "Comment ça, c'est pourtant super !", là j'ai enfin mis sur papier mon idée.
Certes, mais si quelqu'un me dit que mes images sont suspectes, c'est désagréable, alors que "sexy", je prendrais ça comme un compliment ! (rires)
Et pourtant je n'aime pas être réduite à cela. J'aimerais qu'on lise le contenu de mes histoires.
(L'interview a eu lieu le 23 mai 1997 dans le bureau de Yuki Kaori)
Dix ans dans la vie d'une mangaka... comment c'était ? C'est passé vite, c'est passé lentement, et toutes les choses que j'ai élaborées très progressivement et sur une voie difficile sont ma récompense. Le titre "ANGEL CAGE" signifie pour moi un ange qui est enfermé dans une cage à oiseau. J'ai réfléchi à beaucoup d'autres titres, mais celui-là m'a semblé être le meilleur pour faire passer l'atmosphère angoissante de mon manga.
Maintenant donc... avec ça, nous serons encore arrivés à mon talon d'Achille. Je n'ai pas encore atteint mon but et ce à tous les égards. Même si je suis sur sa trace il reste pour moi une énigme, mais il est quelque part, là-dehors...
Pour finir, j'aimerais remercier du fond du cœur tous les rédacteurs qui ont permis la réalisation de cet album, les concepteurs, mes assistantes qui m'ont toujours soutenue, ma famille et vous tous. Oui, vraiment.Juin 1997 Yuki Kaori
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Une histoire qui s'est fait connaître comme un conte pour enfants, mais qui est en réalité composée d'innombrables satires de la société et de jeux de mots complexes. Lewis Carroll a écrit ce livre pour une petite fille de son voisinage. On a aussi dit qu'il lui faisait une demande avec.Page 74 - Haut :
Le bureau de Kaori Yuki mesure plus de 10m. Tous les bureaux et étagères sont noirs. Une élégance sobre entoure cet espace.Page 74 - Bas :
Les affaires de Kaori Yuki. Dans la cage à oiseau traditionnelle est posée une rose blanche. La pendule "Alice au pays des merveilles" est un cadeau d'une fan. Elle se trouve depuis sur son bureau. La maison de poupées est un cadeau d'anniversaire fabriqué par sa petite sœur.Les racines de mes travaux se retrouvent clairement dans les films occidentaux. Pendant mes études supérieures j'ai découvert ma passion pour le film américain et européen, passion que je dois avant tout à mes amies, sous l'influence desquelles j'étais devenue une fan des films et musiques occidentaux. Il arrivait que je regarde jusqu'à 3 films par jour... La nuit j'écoutais aussi de la musique occidentale et perdait du même coup de l'intérêt pour la pop japonaise. Mes musiques préférées venaient de groupes comme les Thompson Twins, The Cure ou Culture Club. Aujourd'hui, j'ai complètement arrêté d'écouter de la musique occidentale.
Fréquentation solitaire du cinéma L'école supérieure spécialisée était le temps où mon amour dégénérait en films occidentaux. J'empruntais chaque jour trois films. J'ai été toute seule au cinéma pour voir le film de David Lynch "My Life as a Dog".
Mes films préférés sont ceux qui me laissent un sentiment triste et angoissant. Après avoir vu un bon film, ce sentiment monte en moi à chaque fois : "C'est exactement ce que je voudrais dessiner !". J'aimerais aussi susciter chez mes lecteurs les émotions que ces films m'ont apportées.
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La vidéo ci-dessous provient de la réédition de l'interview dans le DVD zen'in de 2004 "Kaori Yuki DVD Deluxe edition" édité par Hakusensha (voir). L'interviewer est Takehito Koyasu, le doubleur de Kira.
Eh bien, peut-être six, douze fois ? Je crois que j'avais en tête une ou deux saisons.
[NDT] "Saison" (クール) est à prendre dans le sens d'une période de 3 mois, comme pour les anime. Kaori Yuki imaginait donc travailler moins d'1 an sur Angel Sanctuary, et avec un rythme moyen de 2 chapitres par mois elle aurait sorti 1 ou 2 volumes maximum. Or, au moment de l'interview, cela faisait 5 ans qu'elle avait commencé la série, avec 18 volumes parus.
Oui en effet. Ça ne voulait pas se finir. Comte Cain, ma série précédente, était si populaire que tout le monde m'a dit : "hé, ne faites pas ça !" lorsque j'ai voulu la terminer. Du coup, j'ai pensé que si celle-ci ne prenait pas (mais pourquoi suis-je aussi honnête ? (rit)), je pourrais toujours y mettre un terme et revenir à l'autre série.
Voyons voir. Une fois toutes mes notes achevées concernant les personnages, j'avais des choses prévues jusqu'à la scène de mort de Zafkiel. C'était avant d'avoir établi toute la structure. J'avais décidé des événements jusqu'au moment où Zafkiel est torturé par Sévoth-tart. Ensuite, j'ai eu l'idée d'avoir un jeune homme (Raziel) venant à son secours.
Non, je n'avais pas ces parties. Juste quelques pièces éparses...
Mon travail a été de trouver comment arriver là. J'avais un tas de scènes en tête que je voulais dessiner, je devais donc trouver le chemin qui y mènerait pour qu'elles se produisent. Voilà pourquoi j'ai eu du mal à créer un scénario qui me conduirait jusque-là.
Choquant, non ? (rit) Mais je n'aurais pas pu savoir tant que je n'avais pas essayé. C'est pourquoi, tout comme le voulait mon éditeur, j'ai créé un chapitre premier dense. Il y en a tellement plus que dans un premier chapitre classique, mais c'était volontaire.
Non, j'y ai beaucoup réfléchi. J'ai écrit un tas de noms - il y en avait environ vingt ou trente. Je crois que j'ai rempli une page entière. J'ai aussi regardé dans le dictionnaire, les titres de film et de chanson.
Pour tous mes mangas, j'écris des titres à foison, je souffre à mort dessus, je discute avec mon éditeur pour déterminer lequel est le meilleur, puis je décide.
Au départ, le titre était "La venue du Séraphin." Ce titre a flotté dans mon esprit un bon moment. Mais en réalité, le Séraphin n'est jamais venu, non ? (rit)
Ce qui nous a arrêtés sur Angel Sanctuary [NDT : "Tenshi Kinryôku" dans l'interview en VO], c'était que je voulais un titre avec un certain impact, qui vous ferait dire : "qu'est-ce que c'est ?" Et aussi, nous pensions qu'il fallait vraiment le mot "ange" dans le titre.
Le mot "sanctuaire" embellit quelque peu l'ensemble.
Bizarre, non ? (rit) C'est comme si quelque chose avait été interdit. Une chose contre Dieu, une sorte de trahison psychologique, je me disais.
Tout d'abord, je me suis demandée qu'est-ce que cela ferait si la fille, objet de l'amour du personnage principal, sautait du haut d'un toit et mourait ? Qu'est-ce qui se passerait si l'héroïne mourait ?! J'ai commencé à réfléchir à un scénario où elle serait en fait un ange vivant.
Puis à partir de là, je me suis mise à réfléchir à une héroïne qui serait comme une petite soeur. Et elle penserait : "si je meurs, il sera sauf," une sorte de mélodrame psychologique d'autosacrifice.
Hum... Si on se focalise trop sur Zafkiel, où va-t-on ? Il y a eu de nombreuses scènes.
Par exemple, dès le départ j'avais des scènes de Katô et Setsuna en train de rigoler, elles étaient là au début. J'ai établi assez tôt leurs scènes de l'Hadès, disant : "bon, ce qui est fait est fait."
C'est Sara. Plus que Setsuna, c'est Sara.
Au départ, elle s'appelait "Sana." Ses cheveux étaient longs et elle avait une jupe courte. Je voulais vraiment dessiner une fille dans ce style avec un joli uniforme scolaire. J'aimais tellement ses cheveux et l'uniforme que je n'en pouvais plus. Quand je la dessinais, la jeune fille était si belle, j'étais vraiment contente du résultat.
Le prénom "Setsuna" est assez chouette, il sonne bien. J'ai longtemps pensé à utiliser ce nom un jour. Il a aussi une signification très sympa*.
*Note : Setsuna veut dire "un moment, un instant."
Oh oui, beaucoup d'entre eux.
Tout d'abord, Alexiel, Rosiel... (longue pause) Quoi ?! C'est tout ?! (rit) J'ai aussi inventé les noms des personnages secondaires. Il y a même un ange nommé Af...
Une chose que je regrette aujourd'hui, c'est que Raziel soit un ange si célèbre, il y a même un "Livre de Raziel." J'aurais préféré prendre un nom d'ange moins important pour ce personnage.
Ah ! Kyrie. Il n'y a pas d'ange nommé Kyrie. Et pas de Catan non plus.
J'ai pris le nom "Catan" de Katan Amano, le légendaire créateur de poupées. Au départ, Catan s'appelait Catan sensei... A l'origine, il devait aussi y avoir une école... Bon en fait on peut dire qu'il y a effectivement eu une école, au début de la série. (rit) L'idée était de voir Catan s'introduire dans le lycée en tant que professeur.
Mais finalement, Setsuna et Sara ont été séparés dans une école pour garçons et une école pour filles. Du coup, le personnage du professeur a été retiré.
Je voulais que l'organique et l'inorganique soient ces pôles opposés... Qu'Alexiel et Rosiel soient comme ça.
Les choses naturelles et les choses créées... Je voulais montrer qu'on ne sait jamais vraiment ce qui est bon et ce qui est mauvais.
Je veux dire, on peut dire que la culture humaine est une mauvaise chose. On pourrait dire que les hommes détruisent la planète, que les hommes sont comme un virus. Mais même ainsi, le développement de notre culture est inévitable. Je ne dirais pas que c'est un mal nécessaire, mais je dirais qu'on n'y peut rien. Prenez les dégâts sur l'environnement par exemple. Ils causent le réchauffement climatique, c'est comme si on sciait notre propre branche. Mais on doit quand même faire ce que l'on a à faire. Alors je me demande si le naturel et ce qui est créé par l'homme peuvent coexister. C'est ce que j'avais en tête avec les mots organique et inorganique.
Ce serait plus exact de dire nature et science. La connotation est un peu différente. Mais je voulais exprimer cela simplement, c'est pour ça que je les ai nommés l'Ange Organique et l'Ange Inorganique.
Oui, beaucoup. [ SPOILER VOL.14+ ] Pour vous donner quelques exemples, lorsque Sara meurt, la scène de la mort de Zafkiel, la scène de mort de Sévoth-tart (Layla). Ensuite, la scène où Kira apparaît réincarné en tant que Lucifer, j'avais vraiment envie de la dessiner. De même, je voulais vraiment dessiner les scènes où Katô s'est réincarné, et les scènes comiques dans l'Hadès. Ensuite il y a l'épisode de Shatiel et Raziel, et la scène où Raphaël intervient lors du jugement de Sara.
Mais à chaque fois que j'essaie de les dessiner, je n'arrive pas à les rendre comme je les vois en tête, et je ne suis jamais satisfaite. J'ai toujours l'impression que je devrais écrire de meilleurs dialogues, mieux dessiner les visages, faire de meilleures compositions... Je n'arrête pas de penser que si j'avais plus de temps et que je persévérais davantage, peut-être que je pourrais trouver de meilleurs dialogues, compositions, des meilleures tenues, un style vestimentaire différent, que je pourrais dessiner de meilleurs objets dans la pièce et créer une meilleure atmosphère. Mais c'est alors que survient la deadline, et je dois me concentrer et terminer les dessins. Une fois achevés, je me dis : "bon, c'est pas trop mal, non ?"
Encore plus que certains épisodes, il y a certaines cases que je voulais vraiment dessiner.
La scène dans la partie Hadès, où Katô fait face à Enn'raô, et dit "j'ai l'habitude de trahir et d'être trahi !" Ou bien la page où on voit Lucifer réincarné. La case où Kira dit : "je suis celui qui a tué Katô." Quand Setsuna se retrouve à l'intérieur d'Alexiel, et l'angel crystal est brisé. Aussi, la scène où Layla saute. Et quand le Chapelier Fou apparaît, Cry a du thé Oolong devant elle, et tout à coup le Chapelier est à côté d'elle.
Ah oui, dans le volume 13 quand Ril se fait frapper, et contrairement à ce que Sara s'imaginait, Ril l'accueille avec un sourire. C'est sans fin. Mais c'est dur de transformer les idées en dessins !
L'image pages 10-11. Et celle pages 14-15. C'était la couverture de l'artbook précédent.
[NDT] L'illustration pages 14-15 ne correspond pas à la couverture de l'artbook Angel Cage. Celle-ci n'est d'ailleurs pas incluse dans Lost Angel. Peut-être que la maquette de l'artbook a changé après cette interview ?
Je n'avais pas prévu d'accent pour l'Anagura. J'avais juste une image rigolote de petits enfants courant autour de grands bâtiments parlant avec l'accent du Kansai, c'est de là que ça vient. Ils ont commencé comme ça puis se sont développés jusqu'à devenir les personnages actuels.
Je voulais qu'une gamine comme Cry ait un accent de garçon manqué du Kansai. Et puis cet enfant est devenu un Evil. J'ai trouvé que c'était plutôt attirant. Voilà comment les Evils ont commencé à parler comme ça. En réalité c'est une sorte de faux accent du Kansai. (rit)
Les interprétations sur ce genre de choses viennent après les faits. Moi, j'y suis allée au feeling. Une scène brutale est apparue dans ma tête, où Métatron transportait une peluche par les oreilles. Elle montre la cruauté des enfants. Ce n'est pas grave vu que c'est une peluche, mais la tenir par les oreilles fait un peu peur. C'est ce que j'ai ressenti.
Le genre de cruauté que possèdent les enfants, la peluche qui s'en accomode comme un animal domestique, et le sentiment de pitié qui ressort de ces images constrastées, voilà comment j'imagine Métatron. Bien qu'il ait l'air tout mignon de l'extérieur, c'est comme ça qu'il est vraiment.
Alors au tout début, on voit les yeux larmoyants de la peluche, et à la fin c'est un lapin. De plus, ce lapin se fait traîner partout, et on dirait qu'il ne le supporte pas.
L'idée d'appeler les i-children des lapins est venue plus tard. C'était parce que Métatron et Sandalphon étaient supposés être les rois des i-children. Du coup les i-children étaient aussi des lapins. Le rapprochement devenait d'autant plus fort avec des yeux rouges.
L'idée pour le Créateur venait d'une source, l'histoire d'Abel et Caïn. C'est tout.
Elle contient sans doute beaucoup de nuances religieuses, mais juste en entendant l'histoire, vous avez envie de dire : "c'est quoi son problème à ce dieu ?!" Il en favorise un et rejette l'autre. Du coup quand l'un tue l'autre, on a l'impression que c'est la faute de Dieu. C'est l'image que j'en ai.
Alors ce Créateur, le dieu de mon monde, est un égotiste. Mais ce type de dieu est très humain. En fait, je pense que Dieu est quelque chose de tellement énorme que c'est tout bonnement impossible de savoir s'il a une personnalité ou pas. Mais ce serait impossible de comprendre un tel dieu immense et impersonnel, et puis j'ai le sentiment que ce ne serait pas intéressant dans un manga. C'est trop spirituel. On aurait à penser de manière cosmique à son existence. Alors pour éviter qu'il soit trop grand, j'ai décidé de le penser comme je l'ai fait.
En fait l'ordre est un peu différent. Lorsque j'ai décidé de dessiner une histoire sur les anges, il a fallu que je me mette à faire des recherches à leur sujet. Dans un livre intitulé "Yaso", il était écrit qu'il y avait une grande hiérarchie chez les anges. Il expliquait qu'il y avait un certain nombre de rangs différents, comme les Séraphins et les Chérubins. Je me suis dit : "ouah, il y en a beaucoup. Je ne savais pas." Alors j'ai décidé de tous les utiliser.
Mais même, je n'ai pas spécialement d'admiration pour les anges, je ne suis pas fétichiste. En fait, je doute même de leur existence.
J'ai réfléchi récemment sur le fait qu'on dise souvent que l'on ne peut être fou amoureux que durant trois ans. Et qu'après c'est juste de l'entretien. Que ce soit dû à l'activité du cerveau ou pour assurer la survie de l'espèce, bref, il y a toutes ces explications ennuyeuses sur le sujet, et cela me fait penser que ce n'est peut-être pas de l'amour... Peut-être n'est-ce qu'une illusion. C'est ce que j'ai commencé à penser dernièrement. (rit)
La frontière entre l'amour et le non-amour est plutôt floue. Par exemple, il y a le type d'amour qui grandit. Parfois une personne va ressentir de l'amour pour l'autre, et lorsqu'ils se mettent ensemble, l'amour se développe, et ils s'aiment encore plus. Je pense que ça arrive souvent.
En réalité, je pense que c'est très rare de dire "je t'aime !", et l'autre de dire "moi aussi !" Je pense que c'est juste une idée préconçue.
Vous commencez par ne pas l'aimer du tout, ensuite par ne plus le détester et sortir ensemble, et ça se transforme en amour. Ce n'est pas vraiment comme le destin, mais on s'en fiche, non ? Je pense que c'est courant.
Donc en fait, le genre de rencontre prédestinée que l'on voit dans les mangas est peu probable. Ce n'est pas que ça n'existe pas, c'est juste peu plausible. Je ne veux pas avoir l'air pessimiste mais... Encore une fois, je ne peux pas dire que l'amour prédestiné n'arrive pas. Je veux que ça arrive, et peut-être qu'on en rencontre effectivement. Mais quand on dit que l'amour est une illusion, c'est sans doute le cas.
J'ai le sentiment qu'il existe tout un tas de possibilités cachées que je ne connais pas. (rit)
L'argent ?! Non, je plaisante. (rit) En ce qui me concerne, je suis du genre à avoir besoin de sentir que ce que je fais a un sens, ou que c'est important pour quelqu'un. Mais lorsque je pose la question à d'autres, ils me disent qu'ils n'ont jamais pensé comme ça. Je croyais que tout le monde pensait comme moi.
Mais je pense toujours que c'est important. (rit)
Je pense sans cesse à tout un tas de choses en même temps, je ne peux pas trop choisir. En réalité, je ne peux même pas choisir entre le bien et le mal, donc c'est vraiment difficile pour moi de vous répondre. (rit)
Le storyboard prend trois jours. Je le finis en pleurant que je n'y arriverai pas. Ensuite il faut trois jours pour les crayonnés. Puis l'encrage prend une journée. Avec l'aide de mon assistant(e) [NDT : en anglais il n'est pas précisé s'il s'agit d'un homme ou d'une femme], il faut cinq jours pour achever le tout. Tandis que j'encre non-stop, mon assistant(e) applique les trames et dessine les arrière-plans.
Oui. Il y a peu, le storyboard a pris du retard et a repoussé le crayonnage, du coup j'ai dessiné un peu à la volée, mais je finis toujours à temps pour mes deadlines. Après tout, c'est de ma faute si je suis en retard. En l'espace de deux semaines, nous nous attelons aux demandes de couleur et à la vérification des CDs. Je fais tout dans une réelle agitation. Sans aucune pause, je continue de dessiner devant mon éditeur, en pensant que je vais mourir, en pleurant "waaaah..." Je pleure une fois tous les trois mois. (rit)
Je suis un oiseau de nuit. Peut-être un vampire. Quand le soleil se couche, je me dis qu'il est temps de se lever. Vers 18 heures. Bien sûr, lorsque nous arrivons vers la fin, mon temps de sommeil disparaît. Ça veut dire qu'on travaille jusqu'au matin jusqu'à ce que nous ayons fini. Et je ne sais pas pourquoi, je suis mieux concentrée la nuit.
Je suis toujours enlisée. (rit) Non, j'arrive à m'échapper, je suppose.
J'étais mordue de chat online. Evidemment je ne disais pas que j'étais mangaka. Depuis que mon ordinateur est tombé en panne, je ne "chatte" plus du tout.
A part ça, je lis des mangas, ou prend beaucoup de bains.
Mais je me détraque si je sors, donc je dois trouver le moyen de me changer les esprits en restant à l'intérieur. Quand je suis dehors, ma mentalité change complètement, je ne peux pas concilier ma façon de penser lorsque j'écris mes storyboards avec celle lorsque je sors dehors.
Actuellement je n'ai pas le temps d'aller en acheter alors je lis peu, mais celui que je lis en ce moment est Oishimbo*. Je possède la série complète, (rit) j'achète Oishimbo au convenience store [NDT : petit magasin qui vent de tout].
Ensuite, quand je mange, que ce soit soupe de riz à la maison ou quelque chose qui traîne dans le placard, voilà ce que j'ai dans mon assiette lorsque je lis Oishimbo. (rit) Je me dis "ça a l'air super" quand je mange ces repas instantanés. Oui, vraiment.
*Note : Oishimbo est un célèbre manga sur la cuisine fine.
Mettre tout le temps le personnage principal, évidemment ! (rit) Cela semble peut-être étrange, mais parfois dans une longue série, il y a des mangas où le personnage principal n'apparaît pas tant que ça. Mais dans mon cas, je m'assure toujours qu'ils apparaissent. Et pour les mettre en avant, il y a beaucoup de scènes où ils disent "je suis (bla bla) !"
Ensuite, je mets toujours en place un début, un point culminant et un incipit pour l'épisode d'après. Par exemple, si on met quelque chose comme un poème en introduction, je l'arrange pour que ça soit quelque chose qui infiltre l'épisode jusqu'à la fin. Ou alors je le construis de façon à ce qu'on se demande "que veut dire cette phrase au début ?" pour qu'à la fin on comprenne "ah, d'accord." Ce n'est pas toujours parfait, mais j'essaie de monter une acmé dans chaque histoire. Parce que c'est une longue série.
Avoir une action qui se passe sous plusieurs angles le plus possible... avoir des compositions inhabituelles qui restent facile à regarder... (rit)
Ensuite, dessiner les personnages le plus joliment possible. S'ils hurlent ou autre, évidemment ils ne seront pas très beaux, mais sinon...
Si je ne fais pas attention ils deviennent plats, je dois me débrouiller pour les rendre aussi éclatants que possible.
La musique que j'aime à ce moment-là, deux ou trois chansons en boucle en permanence. Ou sinon, une musique qui pour moi correspond à la scène. Je vais écouter l'une ou les deux mêmes chansons des milliers de fois jusqu'à ce que je n'en puisse plus, et je finis effectivement par ne plus les supporter. Dernièrement j'ai écouté le morceau "Gravity" de Luna Sea, et avant cela, c'était l'album "Mars" de Gackt que j'écoutais tout le temps. Mais c'est rare que j'écoute des albums.
Quand il y a trop de changement, mon humeur est troublée. Si je devais expliquer pourquoi j'aime une certaine chanson, je dirais que c'est parce qu'elle convient à l'humeur du moment, et je ne veux rien écouter d'autre. Je dois maintenir la tension, la même ligne de pensée.
Le thé Oolong. On dit que ça brûle les graisses. Tout le monde ici est au régime.
Autrement, nous sommes accros à cette crème glacée faite de riz. On en trouve seulement dans un supermarché très loin d'où j'habite. Elle me donne l'impression d'arriver droit d'une ferme juste dans ce magasin. L'emballage est tout blanc, et il y a juste "hitomebore" écrit dessus. C'est une sorte de crème gélatineuse, mais faite à partir de riz hitomebore, un peu croustillante, une texture difficile à décrire. Je suis à fond dedans en ce moment.
Oui, pour le casting et d'autres choses. La chose la plus difficile a été d'éditer le script. Je vérifiais un script déjà complet, mais des fois la personnalité des personnages était différente, ou alors j'étais étonnée de voir une scène supprimée. Cela a été difficile.
La durée d'une OAV ou d'un CD est très courte, et c'est impossible de tout y faire tenir, du coup il y a un horrible nombre de scènes coupées. Mais la production c'est la production, et il m'a fallu insister pour que certaines choses soient intégrées, et du coup il a été difficile d'arriver à certains compromis. Pour l'anime, nous avons dessiné beaucoup de designs des personnages. Originaux, avec des éléments vraiment détaillés... comme la manière de dessiner les yeux. Par exemple, s'il y a un gros plan sur les yeux de Cry, ils sont comme ceux d'un chat. J'ai pensé qu'il valait mieux que j'explique ce genre de choses. Pareil pour des trucs sur les boucles d'oreilles.
J'ai aussi été un peu impliquée dans la réalisation des couleurs.
La production voulait ajouter beaucoup de couleur pour éviter que l'ensemble soit triste. Moi, je suis du type noir-blanc-rouge, alors ma représentation était très différente. Mais on n'y peut rien. Dans une zone sombre, s'il y avait une ombre elle serait d'un noir total et pas visible, il nous a fallu penser à ça. Et encore, ce n'était que dans le premier épisode... Si nous avions plus de temps, j'aurais fait les vêtements... Je voulais faire un schéma des habits de Sara.
J'ai assisté à l'enregistrement des voix, et ça me donnait l'impression que ça prenait vie devant mes yeux. Les images aussi étaient presque toutes terminées. Quand cela a été bouclé, j'ai été épatée et quand j'ai vu les publicités, je me suis dit "ouah, c'est vraiment fait."
Après, les gens autour de moi l'ont aimé encore plus que moi. Même lors de l'enregistrement, lorsque j'ai vu les images pour la première fois, j'ai été surprise de voir à quelle vitesse les images changent, de la vitesse des mouvements. J'ai trouvé que les images étaient vraiment belles.
Mais pour être honnête, un anime c'est bien en tant qu'anime, mais je me suis rendue compte combien l'anime et le manga sont fondamentalement différents. Par exemple, une scène légèrement comique dans un manga peut me troubler un peu. Mais quand je la vois avec des images en mouvement et des voix, le rythme est totalement différent que quand on la lit... alors bien qu'elle soit de moi, je n'ai pas l'impression qu'elle vienne de moi... Elle appartient au staff de la production. Je ne suis pas celle qui ai bûché pour la créer.
Maintenant, je souhaite féliciter tout le monde pour leur dur labeur. Je veux leur dire un grand merci pour ce travail bien fait.
Le casting du CD était excellent. Shiozawa-san est décédé [NDT : Kaneto Shiozawa était le doubleur de Sévoth-tart dans les premiers drama CD en 1999], mais je l'avais rencontré avant... J'adore la voix de Shiozawa, et j'ai été choquée d'apprendre son décès.
Alors il a fallu changer de doubleur. Jûrôta Kosugi l'a remplacé. L'impression générale change complètement, mais je ne vois pas qui pourrait capturer l'atmosphère de Shiozawa. Bien sûr, Kosugi est lui aussi incroyable, et il apporte une voix différente, dure, sexy. Parmi tous les candidats, j'ai trouvé que c'était lui qui faisait le plus d'effet, alors on l'a choisi.
Sur le CD, nous devons tout dépeindre par la voix seule, alors plus que pour l'anime le script est beaucoup retouché, et on ajoute des choses. Il était très intéressant de voir tout ça se mettre en place. Encore plus que pour l'OAV, les dialogues du CD appartiennent aux doubleurs, c'était comme un tourbillon d'improvisation. Ils étaient aussi très attentifs au rythme. Ils ont fait très attention à ne pas faire d'erreurs. Les dialogues avançaient poum poum poum à un bon rythme, c'était amusant à écouter. Si vous aimez le théâtre, alors ce CD est pour vous.
Mais tous les acteurs de l'anime n'ont pas été repris pour le CD, et en l'écoutant plus tard, j'ai été surprise de constater à quel point l'image des personnages en ressortait différente.
C'était à l'école primaire. En maternelle, j'aimais les dessins. En primaire, j'ai voulu devenir pro, je voulais publier. Depuis ce temps-là je dessine des mangas... depuis mes premières années de primaire.
En maternelle je dessinais des princesses, et pour je ne sais quelle raison, beaucoup de noix de coco. Des cocotiers... des palmiers. J'aimais bien la forme. Pourquoi des noix de coco ? Je n'en sais rien. (rit)
Ryôko Yamagishi, Shinji Wada, Suzue Miuchi, Yasuko Aoike. J'adorais le manga Arabesque de Ryôko Yamagishi. Mais c'est une série qui avait commencé avant ma naissance, et quand je l'ai découvert, je me souviens m'être dit : "quoi ?!".
[NDT : la prépublication d'Arabesque a commencé en octobre 1971 dans Ribon chez Shueisha. Le volume 1 a été publié le 10 avril 1972. Arabesque est un shôjo racontant l'histoire d'une danseuse étoile russe, et comptait à l'origine 8 volumes.]
Réalisatrice de film. Mais le chemin pour devenir réalisateur est difficile. Je pensais ne pas pouvoir y arriver, mais si j'en étais capable j'aurais vraiment voulu faire ça. La raison derrière, c'est que quand je regardais des films, je me disais "de si bons éléments, mais tout ça pour finir comme ça ?!" Si cela avait été moi, j'aurais fait ça comme ça, dans cette scène j'aurais ajouté telle musique..." Les idées me venaient comme ça. C'est ce que je veux dire par vouloir devenir réalisatrice.
J'aimais vraiment les films à cette époque. Aujourd'hui je suis bien trop occupée pour regarder des films. Mais avant j'adorais ça. Et je réfléchissais à comment je voulais les faire.
J'ai dû choisir en vitesse, à ce moment-là j'étais en train de regarder la TV, et on y voyait Yuki Saitô. Alors j'ai pris "Kao Yuki." Mais comme ça ne me plaisait pas d'avoir un nom à quatre caractères, j'ai ajouté un kanji de plus, "ri", pour faire "Kaori."
Plus tard, j'ai pensé le changer, mais mon éditeur m'a alors dit "le nom de plume doit rester proche de votre vrai nom," et ne m'a pas laissée faire.
Sinon, j'étais partie pour prendre "Eri Minase." (rit) La raison étant que je voulais utiliser un nom totalement différent de mon vrai nom. Et je trouvais celui-là mignon.
Je veux me reposer un peu, et dessiner quelques one-shots. Ensuite j'écrirai une suite à Comte Cain. Mes lecteurs ne vont peut-être pas le croire (rit), mais je vais dessiner "Cain."
Je veux que les fans sachent que je les apprécie beaucoup, et que je ne puis exprimer à quel point je les adore et y suis attachée.
Cela a été le plus gros manga de ma vie, et les lecteurs m'on bien encouragée, ils ont dit qu'ils en ont pleuré, ils ont décrit de manière détaillée ce qui leur plaisait, ils ont créé des pages web sur le sujet, ils m'ont envoyé divers cadeaux, et certains m'ont même envoyé de jolis petits anneaux qu'ils avaient achetés lors de leurs voyages scolaires. Quand je voyais tout ça, j'étais tellement heureuse que j'en pleurais.
C'est vraiment dur pour moi de dessiner des mangas, mais comme il y a des personnes qui les lisent, ça me fait continuer.
En ce moment, je vis tout juste. A partir de maintenant j'espère avoir un peu plus de liberté, mais aujourd'hui c'est tout ce que j'ai. Si ce n'était pas pour les fans, je ne pense pas que j'arriverais à vivre comme ça tellement c'est dur. Grâce à la présence des fans je peux avancer, et grâce à eux je peux dessiner les mangas que j'aime.
J'espère dessiner plus de mangas que vous aimerez. Tant que vous serez là, je continuerai de dessiner. Ce n'est pas moi qui ai fait devenir mes rêves une réalité. C'est vous, les fans, qui l'ont fait pour moi.
Voici le deuxième artbook. Pour moi qui fais quelque chose que j'adore depuis plus de dix ans, ce sera une chose de plus que je laisse pour la postérité. J'en suis reconnaissante. Lorsque je revois ces illustrations, je me dis "ah... ça c'était bien", ou bien "j'ai fait tomber un peu de peinture ici quand je m'étais dépêchée", ou "j'ai dessiné celle-là en pleurant d'épuisement", ou encore de mauvais souvenirs refont surface. En particulier les illustrations des couvertures de magazine, c'était vraiment difficile de les dessiner avec la structure ou les personnages que l'éditeur voulait. Je pense être une fille qui ne peut pas dessiner d'images où brille la joie. Mais chacunes, imprégnées d'un sentiment différent, sont des images pour lesquelles j'ai étendu mes limites de temps et d'énergie. Elles sont toutes comme mes précieux enfants. Si je peux offrir comme souvenir à tous cette collection de mes enfants, c'est grâce à tous ces gens qui m'ont soutenue : ma famille, mes éditeurs, producteurs, assistants et vous, les lecteurs.
J'ai hâte de vous revoir autour d'un autre projet.